MOUVEMENT DE L’ANTILLANITÉ CES ANTILLAIS QUI OBLIGÈRENT LES AUTORITÉS COLONIALES À ABOLIR L’ESCLAVAGE Pr. Guy NUMA Beaucoup de gens pensent que l’esclavage a été aboli aux Antilles uniquement par le bon vouloir des Européens. Il faut savoir que l’esclavage n’a pas du tout été aboli grâce à la gentillesse des Blancs. Les colons esclavagistes étaient farouchement opposés même à l’amélioration de la condition des métis libres. Bien que la majorité des métis libres se désolidarisaient du sort des esclaves noirs et ne plaidaient que pour avoir plus de Droit pour leur propre Groupe, certains d’entre eux cependant ont lutté fortement au péril de leur vie pour l’abolition de l’esclavage des Noirs. C’est le cas de François AUGUSTE-PERRINON. Voici l’histoire saisissante de ces Antillais qui ont contribué fortement à l’abolition de l’esclavage aux Antilles. François Auguste-Perrinon est né en 1812 en Martinique. Sa mère était une esclave affranchie grâce au colon, monsieur Perrinelle avec qui elle eut quatre enfants hors mariage dont François. Ce colon qui était un commerçant très prospère à Saint-Pierre a fini par épouser la mère de François Auguste-Perrinon en 1826. Le jeune métis François fut envoyé faire des études en France et entra à l’Ecole Polytechnique en 1832. Il fut la première personne non blanche à entrer à l’Ecole Polytechnique à cette époque de l’esclavage dans les colonies françaises. En 1823 dans cette période sombre de la Restauration de l’autorité royale, trois métis, Cyrille Bissette, Jean-Baptiste Volny et Louis Fabien sont accusés d’avoir diffusé dans les Antilles un Texte intitulé « De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises ». La mère de Cyrille Bissette, Elizabeth Bellaine était la fille d’une esclave et d’un Béké du nom de Joseph Tasher de la Pagerie. Ce grand propriétaire terrien en Martinique, n’était autre que le père de Joséphine Tasher de la Pagerie l’épouse de l’Empereur Napoléon. Elizabeth était donc la demi-sœur de l’impératrice Joséphine de la Pagerie. Mais même devenue libre, elle ne put accéder au rang de sa demi- sœur dans cette société martiniquaise extrêmement raciste à cette époque esclavagiste. Dans le Texte diffusé par les trois amis métis, ceux-ci ne revendiquaient que quelques améliorations pour les métis libres. Cependant la réponse de la Justice coloniale fut impitoyable. Ils ont été accusés de fomenter une révolte dans les colonies, de conspiration contre les Blancs et de complot contre la sureté de l’Etat. Ces trois métis sont alors condamnés aux Galères à perpétuité et sont marqués au Fer rouge avec le sigle : GAL qui signifie Galériens. 40 autres personnes considérées comme complices sont expulsées des Antilles et déportées ailleurs. Cependant les Abolitionnistes à Paris dénoncent une injustice et l’opinion publique s’émeut de cette affaire si bien qu’en 1827 les avocats obtiennent en Cassation un assouplissement des peines. Bissette, Volny et Fabien sont libérés. Mais ils sont bannis de la Martinique pour 10 ans. Cependant ces trois métis n’abandonnèrent pas la lutte pour l’émancipation. François Auguste Perrinon manifesta une grande admiration pour le courage de ses compatriotes martiniquais. Louis Fabien ne se remettra pas des années passées injustement en prison et mourut peu après. Cyrille Bissette lui, continua à poursuivre le combat mais cette fois-ci pour l’abolition définitive de l’esclavage aux Antilles. De son côté Perrinon termina son cursus à l’Ecole Polytechnique et eu différents postes en France métropolitaine, en Guadeloupe et en Martinique. En 1840, il épousa à Saint-Pierre Marguerite Louise-Charlotte, la fille d’une famille riche. Perrinon n’oublia pas cependant, qu’il est le fils d’une ancienne esclave. Même s’il voulait l’oublier la société raciste martiniquaise se chargeait de le lui rappeler à tout moment. De voir trimer tous les jours, les esclaves noirs sans aucun Droit lui devenait insupportable. Il n’oubliait pas qu’il appartenait à l’origine à cette classe sociale de déshérités. C’est Frantz Fanon qui a dit : « Celui qui hésite à me reconnaitre s’oppose à moi. Dans une lutte farouche, j’accepte de ressentir l’ébranlement de la mort, la dissolution irréversible, mais aussi, la possibilité de L’impossibilité ». De 1656 à 1831, il y a eu toute une série de révoltes d’esclaves en Guadeloupe et en Martinique. A partir de 1790, l’exploitation esclavagiste en Guadeloupe, en Martinique et en Haïti était devenue un cauchemar pour les Blancs et l’Administration coloniale. Il fallait d’énormes moyens militaires pour tenir les colonies antillaises sous la domination coloniale et vers 1845, le maintien du système esclavagiste était devenu complètement impossible. IL y eu plusieurs communautés marronnes en Guadeloupe et en Martinique. Les Marrons étaient des Africains déportés aux Antilles et qui n’acceptaient pas la condition servile. De ce fait, ils s’évadaient des plantations et allaient vivre dans des endroits retirés. Ils étaient extrêmement entraînés et toujours prêts au combat pour défendre leur liberté et leur vie. Périodiquement, les forces de répression coloniale donnaient l’assaut à ces communautés. Mais dans la mesure où les Marrons étaient extrêmement motivés et déterminés, ils réussissaient à tuer beaucoup de soldats de l’Administration coloniale. C’est pourquoi les Marrons inspiraient une terreur inimaginable aux Blancs esclavagistes. De temps en temps des commandos de Marrons investissaient brutalement la nuit une plantation en massacrant les Blancs qui s’y trouvaient et en emportant des armes, des munitions et des vivres. Les Britaniques abolirent l’esclavage en 1834. La France ne l’abolira qu’en 1848. Dès lors les esclaves de Guadeloupe et de Martinique s’enfuyaient la nuit pour rejoindre les îles anglaises proches de Dominique, de Sainte-Lucie et d’Antigua. Par leur refus déterminé du travail servile et de privation de liberté, les esclaves ont commencé à rendre l’institution esclavagiste moins rentable. Perrinon utilisa cet argument pour défendre la cause de l’abolition. En 1847, il publia un Texte intitulé : « Résultat d’expérience sur le travail des esclaves ». Il argumenta que l’esclavage est moralement condamnable et économiquement une aberration.. Le 4 Février 1848, la 2ème République est proclamée et Victor Schœlcher est nommé Secrétaire d’État chargé des Colonies. Il invita Perrinon à participer à la Commission qui devait préparer l’abolition de l’esclavage. Comme on peut le constater, les Antillais ont toujours été extrêmement déterminés pour défendre la Liberté et la dignité humaine. À noter également le rôle primordial du Guadeloupéen Armand Barbès dans la Révolution de 1848 qui conduisit à l’abolition définitive de l’esclavage dans les colonies françaises. Armand Barbès est un Guadeloupéen, né à Pointe-à-Pitre le 18 Septembre 1809. Venu à Paris en 1831, il adhéra à la Société des Droits de l’Homme. Avec l’aide de Lamartine, il fonda le Club de la Révolution. Arrêté et mis en prison, il a été libéré par les révolutionnaires. Les Antillais sont parmi les Français qui ont été au cœur de l’avènement de la République française.